UN PROGRÈS TOUT À FAIT NORMAL
Claude Piron
On peut aborder le problème des langues dans le monde
à
partir de points de vue très différents: politique,
lingüistique, financier et économique, etc. Je vais
l'aborder, probablement par
déformation professionnelle, du point de vue psychologique dont
l'importance,
à mon avis, n'est pas justement évaluée.
Les espérantistes se plaignent souvent de ce que le monde ne
comprend pas leur point de vue, que l'espéranto ne les
intéresse pas, ou que notre affaire ne progresse pas assez vite.
Ils en mettent facilement la faute les uns sur les autres. À mon
avis, ces sentiments négatifs ne se justifient pas lorsqu'on
considère le côté psychologique de la situation.
Autrement dit, d'après moi, l'espéranto progresse tout
normalement, même lorsqu'il recule durant une décennie; et
de plus, la prise de conscience au sujet du problème des langues
dans le monde avance à un rythme normal, c'est-à-dire, au
rythme de l'histoire.
Nous réagissons comme des enfants
L'idée, répandue dans le monde de l'espéranto, que
l'affaire ne progresse pas de façon assez rapide, vient de l'une
des parties les plus importantes du psychisme humain, à savoir
le désir. Nous désirons que l'espéranto progresse,
et nous réagissons à ce désir comme des petits
enfants: nous ne voulons pas voir l'ampleur des obstacles qui dressent
une barrière entre notre désir et sa réalisation.
Nous ressentons donc de la frustration. Lorsque nous ressentons de la
frustration, au lieu de faire face au fait que nous avons manqué
de réalisme depuis le début, et que,
conséquemment, la cause de l'échec se trouve en nous,
nous cherchons de coupables ailleurs: le monde en
général, que ne fait pas attention à
nous, ou ces maladroits du monde de l'espéranto, qui n'agissent
ni avec efficacité ni avec à-propos. Ce qui est enfantin;
mais en disant cela je ne critique pas; je signale seulement une
caractéristique du fonctionnement normal du psychisme humain:
lorsqu'un fort désir apparait, nous sommes portés
à réagir de façon enfantine. Manquer de patience
à propos des progrès de l'espéranto, chercher des
coupables, c'est tout à fait normal et naturel. Dans
la plupart des domaines, c'est ainsi que réagissent des adultes
normaux: nous ne sommes mûrs que dans quelques aspects de notre
vie. En plusieurs domaines, tels la politique, la métaphysique,
les relations humaines, nous réagissons encore comme des petits
enfants.
Incompréhension de la société
Lorsque j'ai dit que le monde ne nous comprend pas, j'ai encore
touché
un aspect psychologique de la situation. Pourquoi le monde ne nous
comprend-il pas? Parce que la société ne comprend pas la
situation lingüistique en général. Pourquoi? Pour
plusieurs raisons. Exemple, parce que les relations entre les langues
est un problème compliqué, et qu'il n'est pas facile de
comprendre quelque chose de compliqué. Lorsqu'on se trouve
devant un problème compliqué, la façon naturelle
de l'aborder est de la simplifier. En conséquence, la
société
a généralement une image très simplifiée de
la situation lingüistique dans le monde. Une image
schématique
seulement.
Une peur inconsciente
Une autre cause psychologique, qui fait que la société ne
comprend
pas le problème linguistique, est la peur. Probablement, vous
trouverez
cela surprenant. Au fait, si vous dites à un politicien,
à
un linguiste, ou à quiconque vous rencontrerez au hasard dans la
rue,
que l'une des causes qui font que l'on ne résout pas le
problème
des langues, c'est la peur, il vous regardera comme si vous
étiez
fou. D'abord, parce que pour cette personne, le problème
n'existe
simplement pas: l'anglais est là, ou les traducteurs. Et
ensuite,
si jamais il y avait là un problème, c'est clair qu'il
n'a
rien à voir avec la peur. Personne n'a peur des langues.
Qu'est-ce
que cette folie?, vous dirait-on.
Mais beaucoup de peurs sont inconscientes. Nous ne les ressentons pas
(ce
qui est une bonne affaire, car sans cela il serait impossible de vivre
en
paix). Il reste cependant le fait que ces peurs causent beaucoup de
mauvais
plis, de fausses routes dans notre façon de comprendre la
réalité.
Pourquoi la langue évoque-t-elle la peur? Encore une fois, il y
a
plusieurs raisons. Par exemple, notre langue fait partie de notre
identité.
Un jour de notre enfance, nous prenons conscience de la langue
parlée
par notre entourage, et de ce que cette langue nous définit en
relation
avec le reste du monde. J'appartiens à un groupe humain
défini
par la langue qu'il parle. Donc, au fond de mon psychisme, ma langue,
c'est
moi. L'usage si répandu des dialectes allemands de la Suisse est
une
manière de dire: voilà ce que nous sommes, nous ne sommes
pas
allemands. Ou bien, remarquez comment réagissent les Flamands ou
les
Catalans: si l'on persécute ou l'on critique ma langue,
c'est moi
que l'on critique ou l'on persécute.
Beaucoup de gens pensent que l'espéranto est une
futilité,
parce qu'ils le perçoivent comme une langue sans peuple
déterminé;
donc, comme quelque chose qui a plus d'artifice que d'humain, comme une
langue
qui, comparée aux vraies langues, serait comme un robot par
rapport
à une vraie personne. Et cela fait peur. On craint que ce robot,
duquel
on dit qu'il a l'ambition de l'universel, se mette à marcher
contre
toutes les langues, contre tous les peuples, contre tout ce qui est
individuel
et vivant, et qu'en passant il écrase tout. Peut-être que
tout
ceci n'est pour vous que pure imagination. Mais c'est la
vérité.
La méthode de psychologie appelée échange
clinique,
par laquelle on explore quelles idées ou images s'associent
entre
elles si l'on demande à une personne de dire ce qui lui passe
par
la tête à partir d'un mot, dans notre cas
"espéranto",
révèle l'existence de cette peur inconsciente chez
beaucoup
de gens.
Identification à la langue internationale
L'un des problèmes des espérantistes vient de ce que
l'espéranto a une caractéristique qui le distingue de
toutes les autres langues étrangères, à savoir,
qu'il favorise l'identification en tant qu'espérantiste. Un
Suédois qui parle en anglais avec un Coréen et un
Brésilien se perçoit simplement en tant que
Suédois qui se sert de l'anglais: il ne se perçoit pas
comme anglophone. Par contre, un Suédois qui parle en
espéranto avec un Coréen et un Brésilien se
perçoit comme espérantiste et sent que les autres deux
sont aussi espérantistes, et que tous trois appartiennent
à une aire culturelle différente. Même si l'on
domine l'anglais, le non anglophone ne sent pas que cela lui donne une
identité anglo-saxonne. Avec l'espéranto, il arrive le
contraire. Pourquoi?
Comme il arrive habituellement dans le domaine que nous visitons
aujourd'hui, les facteurs en jeu sont plusieurs et complexes, mais
probablement le plus important, c'est que l'espéranto
s'intègre dans le psychisme humain à un niveau plus
profond que toute autre langue étrangère. Non pas tout de
suite; pas chez le débutant, mais chez celui que Janton appelle l'espérantiste mûr, la
personne avec assez d'expérience de la langue pour se sentir
chez lui chez elle. Pourquoi l'espéranto se situe plus
profondément dans le psychisme? Parce que, plus que toute autre
langue, il suit le mouvement naturel du cerveau humain qui veut
s'exprimer.
Notre plus fondamentale tendance, lorsque nous apprenons une langue,
c'est de généraliser les traits de cette langue: tous les
enfants francophones disent des
chevals au lieu de "des chevaux", ou vous faisez au lieu de "vous
faites"; tous les enfants anglophones expriment le concept "pieds"
par foots avant
d'acquérir la forme correcte "feet"; ou le concept "il vint" par
he comed avant
d'acquérir la forme correcte "he came". En espéranto de
tels erreurs ne sont pas possibles: donc, l'on se sent vite en
sécurité dans l'usage de la langue. De plus, on est
beaucoup plus libre en espéranto que dans les autres langues.
Ceci vaut pour la façon de placer les mots les uns à
côté des autres. En anglais, vous devez dire, mot à
mot, il aide moi; en
français, il m'aide;
en allemand, il aide à moi.
Ces trois langues possèdent une structure obligatoire, et
seulement une. En espéranto vous pouvez librement choisir
n'importe laquelle des trois. Il arrive la même chose pour le
choix de la fonction des mots dans la phrase. Le plus souvent, vous
pouvez décider d'exprimer une idée au moyen d'un
adjectif, d'un adverbe, d'un verbe ou d'un substantif; par exemple,
pour dire "je suis venu en train" vous pouvez dire mi venis trajne, mi venis per trajno, mi trajnis (je suis venu
"trainement", "par train", j'ai "trainé"). Aucune de ces formes
n'est obligatoire. Peu d'idiomes disposent des possibilités qui
permettent une telle liberté, et, s'ils en disposent,
très souvent on n'a pas le droit de s'en servir. De plus, le
milieu espérantiste est très tolérant au sujet des
fautes grammaticales et de vocabulaire, à un point impossible de
trouver dans les autres langues. L'oubli de l'accusatif ou son emploi
fautif est considéré, pratiquement, comme normal,
probablement parce qu'il ne gène presque jamais la
compréhension. Seulement quelques pédants font un drame
de tels erreurs: mais ils n'appartiennent pas au milieu
espérantiste (Attention: ne comprenez pas cette remarque sur les
fautes de grammaire comme des recommandations: je me place au point de
vue du simple observateur!). Autrement dit: il n'y a pas de relation
entre un usage parfait de la langue et le sentiment d'identification.
On peut se sentir espérantiste même si parfois on laisse
tomber l'accusatif.
Tout ceci, en plus de la possibilité de fabriquer des mots
à volonté (ce qu'on n'a pas le droit de faire dans
plusieurs langues), produit une ambiance de liberté qui place
notre idiome dans une couche plus profonde du psychisme, plus proche de
son centre, de sa base instinctive. Il est plus facile d'être
spontané en espéranto qu'en français, par exemple,
car on doit respecter moins de défenses arbitraires. En
espéranto on se sent soi-même plus facilement. À
cause de toutes ces caractéristiques, l' espéranto se
fixe plus profondément dans le psychisme que toutes les autres
langues étrangères, et l'on est plus enclin à s'y
identifier. Mais les gens qui n'appartiennent pas au monde de
l'espéranto ne peuvent le comprendre. Ils ne comprennent pas
cette identification. C'est pourquoi la conduite de beaucoup
d'espérantistes leur parait folle, ou, au moins, bizarre. En
raison de ce sentiment d'identification, l'espérantiste a
tendance à se sentir attaqué lorsqu'on critique sa
langue, ou même l'idée d'une langue internationale.
Attaquer sa langue, c'est l'attaquer lui-même, et sa
réaction naturelle, c'est de contrattaquer, parfois très
âprement. Mais celui qui n'est pas espérantiste ne
comprend pas. Il voit dans cette réaction normale trop
d'intensité, un sentiment trop fort, preuve d'une sorte de
fanatisme qui est la seule explication possible d'une réaction
si disproportionnée.
Deux catégories
D'après moi, les espérantistes appartiennent à
deux catégories psychologiques.
D'un côté, il y a des gens qui ne se sont pas bien
adaptés à la vie collective, qui se sentent en dehors des
changements de la mode, de la société, des façons
d'agir et des idées en cours; des gens qui se sont
habitués au fait d'être différents de la
majorité ou qui s'en sentent rejetés. Il n'est pas facile
d'assumer la solitude fondamentale de la vie humaine. C'est pourquoi
des gens qui se sentent différents de la majorité sont
portés à se mettre ensemble, à créer une
communauté de leurs semblables, avec qui ils se sentent bien.
Alors ils se réunissent et se redisent les uns aux autres
combien ils ont raison, et combien le monde extérieur a tort: ce
qui est tout à fait normal et humain. L'espéranto a
déjà offert à beaucoup de monde pas très
bien adapté à la société un lieu où
trouver des semblables également pas très bien
adaptés, auprès de qui il était possible de
trouver les consolations et les appuis nécessaires pour rendre
la vie plus supportable. Ceci fut spécialement vrai pendant la
période après laquelle les premiers espoirs de
l'acceptation immédiate de l'espéranto
s'avérèrent vains, et avant que l'argumentation favorable
devienne suffisamment forte et basée sur des faits; en d'autres
mots, entre la première guerre mondiale et les années
1970-'80. Une grande partie des espérantistes, à cette
époque, était formée de névrosés,
c'est-à-dire, de gens avec des problèmes psychiques plus
nombreux ou plus graves que ceux que l'on trouve chez les gens
ordinaires.
Envers ces névrosés, envers ces gens estropiés par
leurs problèmes psychiques, nous avons une dette énorme,
car, sans eux, la langue espéranto serait simplement morte. Il
est naïf et injuste de les regarder de haut, comme sont
portés à le faire quelques partisans du manifeste de
Rauma (1). Compte tenu des
circonstances historiques dans lesquelles
ils vivaient, ces "étoiles-vertes" un peu sectaires
étaient nécessaires pour que la langue se
développe. Les gens normaux ne pouvaient pas s'intéresser
à l'espéranto, l'utiliser, ni, en conséquence, le
faire vivre. Si l'espéranto n'avait pas été
utilisé constamment, si personne n'avait rien écrit en
espéranto, s'il n'avait pas été utilisé
pour correspondre, pour des réunions, pour des congrès,
même si l'assistance était composée principalement
de types bizarres, il n'aurait jamais pu développer son
potentiel linguistique et littéraire, il n'aurait jamais pu
s'enrichir, il n'aurait pu conduire peu à peu à une plus
profonde analyse du problème mondial des langues. Je suis
convaincu de ce que, après quelques siècles, les
historiens penseront que ces hommes avaient rendu un énorme
service à l'humanité, maintenant la langue en vie et la
faisant progresser, même si leurs motifs étaient dus en
partie à quelque pathologie psychique.
À côté de ces névrosés, de ces types
bizarres dont je viens de parler, l'espéranto attira des gens
qui avaient une personnalité extraordinairement forte. Une
personne en totale santé psychique peut adhérer à
un groupe totalement hors norme seulement si elle a une
personnalité tellement forte, qu'elle puisse faire face à
la masse et baser son point de vue sur des fondements clairs,
sérieux, prouvés, qui lui permettent de sentir qu'elle a
raison, et pourtant demeurer sans arrogance. Heureusement, il se trouva
suffisamment de telles personnes dans le monde de l'espéranto
depuis le début. L'un d'eux, par exemple, fut Edmond Privat (2).
Nous avons une grande dette envers eux aussi, car ils aidèrent
beaucoup à faire progresser l'affaire, et à montrer peu
à peu, en divers milieux, que les espérantistes ne sont
pas que des fanatiques bizarres.
Et, évidemment, les deux catégories ont une intersection,
à savoir, ces gens avec des traits névrotiques plus
nombreux ou plus graves que l'homme moyen, mais aussi avec une
personnalité plus forte (fortifiée souvent
précisément par l'obligation continuelle de s'exercer
à vivre dans un milieu avec lequel on ne se sent pas en
conformité ou tout à fait adapté).
Le paradoxe: qu'est-ce que la santé mentale?
Nous nous trouvons donc devant un paradoxe: pendant longtemps, le monde
de l'espéranto a été composé en grande
partie de gens affectés de pathologies psychiques, mais qui
avaient une position tout à fait saine mentalement quant
à la communication linguistique; pendant que le reste de la
société était formé par des gens
probablement plus normaux psychiquement, mais qui avaient une attitude
par rapport à ce problème totalement
névrosée, pathologique, et, j'irais jusqu'a dire,
démente.
Qu'est-ce qui permet d'avancer une assertion aussi drastique? Eh bien,
le fait que la société présente tous les
symptômes psychopathologiques en relation avec la communication
linguistique. Lorsqu'un besoin se fait sentir, que fait une personne
normale? Elle agit de façon à satisfaire le besoin par
les moyens le plus efficaces, le plus agréables et le plus
rapides. Imaginez quelqu'un qui a faim. Il a dans sa poche un
portefeuille plein de billets. Il se trouve dans un quartier de
boutiques et de restaurants. S'il est normal, il entrera quelque part
pour se faire servir à manger ou pour acheter quelque chose qui
satisfera sa faim. Que penseriez-vous d'un homme qui, au lieu de faire
cela, s'en va à la gare, achète un billet de train pour
un lieu distant de 300 km, et qui de là marche encore longtemps
à travers champs jusqu'à ce qu'il atteint un petit
restaurant, qui n'offre qu'une nourriture douteuse? Que penseriez-vous
d'un tel homme, qui, à cause de son étrange façon
d'approcher le problème, a faim pendant des heures,
reçoit à la fin quelque chose qui ne le satisfait pas, et
le tout lui coute cent fois le prix normal? Chacun qualifiera une telle
conduite de névrosée, de pathologique. Pourquoi agir de
façon si compliquée, sans aucun avantage pour qui que ce
soit, alors qu'il était possible de résoudre le
problème de sa faim de façon facile et simple? Dans le
domaine de la communication linguistique, les espérantistes
agissent comme le premier; le reste du monde comme le second.
La résistance confirme le diagnostique
Mais, malgré tout, vous vous démandez peut-être si
la conduite que nous avons décrite est réellement
pathologique, et avez besoin que l'on vous confirme le diagnostique.
Or, nous savons que l'une des caractéristiques de ce genre de
pathologies est la résistance.
La personne qui présente de tels traits pathologiques fait tout
ce qu'elle peut pour ne pas se rendre consciente qu'elle n'agit pas de
façon saine, qu'elle pourrait agir autrement, de façon
plus agréable et efficace. Parfois, l'intéressé
reconnait quand même que sa conduite n'est pas normale, mais il
dit «oui, je sais que j'agis de façon bizarre, anormale,
même pathologique, mais je ne puis agir autrement». Ce
refus d'accepter qu'une conduite est anormale, ou
l'impossibilité de la changer, on le nomme résistance.
Maintenant, il est intéressant d'observer que la manière
dont la communication linguistique est organisée dans notre
monde, a tous les caractères de la conduite pathologique.
L'espéranto existe. Il offre la possibilité de
communiquer de façon beaucoup moins couteuse que
l'interprétation simultanée, beaucoup plus exacte que
l'anglais, beaucoup plus aisée que n'importe quelle autre
langue, et avec beaucoup moins d'investissement en temps, argent et
énergie de la part des interlicuteurs et de la part de
l'État. En d'autres mots, l'espéranto est le plus court
chemin pour combler le besoin. Mais, à la place, la
société choisit la manière la plus
compliquée et la plus chère. On oblige des millions
d'enfants à étudier pendant des années et des
années des langues étrangères tellement difficiles
que, en moyenne, seulement un enfant sur cent, en Europe, et un sur
mille, en Asie, réussit à s'en servir à la fin de
ses études. Et, après avoir investi tant de travail,
d'énergie nerveuse, de temps et d'argent dans l'enseignement des
langues, il faut se rendre à l'évidence que l'on n'a pas
résolu le problème des inégalités, que l'on
s'est attaqué aux problèmes des barrières
linguistiques de façon tellement absurde, qu'il faut recommencer
et investir encore des millions et des millions de dollars pour rendre
disponibles des traductions dans des dizaines de langues et pour
s'occuper des interprétations simultanées, sans quoi les
interlocuteurs ne pourront pas se comprendre. C'est de la folie. C'est
de la folie que de dépenser son temps, son argent, son travail,
de façon aussi absurde et inefficace, lorsqu'il est possible de
l'éviter. Ne serait-ce que pour cela, la société
agit de façon pathologique.
Mais ce qui confirme qu'il s'agit d'une authentique pathologie, c'est
le fait que, si vous attirez l'attention des journalistes, des
décideurs, des notables, des responsables de la vie scolaire,
que vous essayez de les faire voir que le système est fou, et
qu'il existe une façon de communiquer mentalement saine et
beaucoup plus facile, alors vous provoquez la résistance. On se
réfusera à prendre en considération vos remarques,
à étudier l'affaire, on écartera du revers de la
main témoignages et pruves, plutôt que de s'en occuper. Ce
mot, "plutôt", est important, car il est la pruve que le
diagnostique est correct: il atteste la résistance. Les
responsables de la société préfèrent ne pas
savoir qu'il existe une autre manière de communiquer entre les
peuples, que celle qu'ils imposent aux milliards de terriens. Ils ont
peur d'affronter la vérité. Et, puisqu'ils ne veulent pas
voir qu'ils ont peur, ce qui est une autre preuve de névrose, du
caractère pathologique de leur conduite, ils se servent de
n'imporque quel prétexte pour ne pas ouvrir le dossier. Les
notables, donc, rejettent sans savoir qu'ils rejettent; ils ont peur
sans savoir qu'ils ont peur; ils sont cause d'embarras, d'injustice, de
frustation; d'efforts, d'impôts et de dépenses inutiles;
de complications de toute espèce, et d'une quantité
considérable de souffrances (je pense, entre autres, aux
réfugiés, pour qui le manque de communication
linguistique est souvent la cause de souffrances très
concrètes): et ils en sont la cause sans savoir qu'ils en sont
la cause. Il s'agit d'une psychopathologie sociale vraiment grave. Mais
cela, très peu de gens le remarquent et le comprennent.
Un tabou
Le fait est qu'un tabou pèse sur tout le domaine de la
communication linguistique entre les peuples et les états. Si
vous étudiez les documents produits dans la matière, vous
constaterez que beaucoup plus de 99% se présentent comme si
l'espéranto n'existait pas, comme si l'homme n'avait d'autre
expérience sur la façon de communiquer internationalement
que les habituelles traduction et interprétation ou l'emploi
d'une langue nationale prestigieuse, telle l'anglais.
L'espéranto, c'est tabou. On l'a encore vu à Bruxelles,
au Parlement européen, pendant la réunion de ce que l'on
appelle la Commission institutionnelle, qui s'était
occupée de la question sur la (non-)communication dans l'Union
européenne. Ce qui prouve que l'espéranto est tabou,
c'est le refus de comparer.
En sciences, lorsqu'on veut déterminer la valeur de quelque
chose, on le compare toujours avec un témoin. Avant de lancer un
nouveau médicament, on compare son efficacité avec une
autre substance déjà connue. Et, lorsqu'on a
décidé d'entreprendre un quelconque grand travail, par
exemple, construire un nouveau stade, qu'est-ce qu'on fait? On publie
un appel d'offres. On propose aux différentes compagnies de
soumettre un projet, et l'on compare les différantes offres pour
choisir la plus raisonnable par rapport aux couts et aux
critères à considérer. Ceci est la
procédure normale. Au fait, il existe toute une méthode
scientifique sur l'art de décider en choisisant la bonne
manière d'atteindre un but déterminé. On nomme
cette méthode scientifique recherche opérationnelle. Elle
est née, pendant la deuxième guerre mondiale, du besoin
de trouver la meilleure façon possible de transporter
marchandises et hommes le plus rapidement et avec le moindre risque
possible. Or, si l'on applique la règle de la recherche
opérationnelle au problème des langues, on constate que,
de toutes les solutions observables actuellement dans la pratique, la
meilleure pour atteindre le but est l'espéranto. Mais, pour
trouver cela, il faut comparer les divers systèmes les uns avec
les autres, donc, regarder objectivement, dans la pratique (sur le
terrain, comme on dit), comment l'espéranto se présente
comparativement aux gestes, au balbutiement dans un idiome mal connu,
à l'usage de l'anglais, à la traduction de documents et
à l'interprétation (simultanée ou après
coup) des discours, à l'usage du latin, etc. Seulement une telle
comparaison permet de conclure quel est le meilleur système.
Mais, même si l'on trouve des milliers et des milliers de pages
dans des documents sur la situation linguistique, que ce soit à
l'ONU, à l'Union européenne ou dans les
départements de linguistique des universités, les
documents qui posent le problème sur la base d'une comparaison
qui inclut l'espéranto sont moins nombreux que les doigts des
mains. Et, puisque la comparaison des différentes
possibilités est quelque chose tellement normale dans d'autres
domaines, son exclusion dans celui de la communication linguistique
internationale démontre qu'il s'agit bien d'un tabou.
D'où vient le tabou?
Pourquoi cette façon pathologique d'aborder le problème
des langues? Il
y a des causes politiques: l'idée que des individus
n'appartenant pas à
l'intelligentsia puissent communiquer sans entraves d'une nation
à
l'autre déplait à beaucoup d'États.
Il y a des causes sociales: cette même possibilité
déplait aux couches
privilégiées de la société. Des gens qui
savent suffisamment bien
l'anglais ou quelque autre langue importante, ont beaucoup d'avantages
sur les gens que ne parlent que l'idiome local: on ne veut pas perdre
ces avantages. Ceci apparait de façon plus claire au Tiers monde.
Mais, dans mon opinion, les causes principales du tabou sont
psychologiques. Le centre du problème est le poids, la charge
émotive,
le pathos du concept de "langue", son pouvoir de faire vibrer les
fibres les plus intimes de notre âme. Nous pensons par concepts
ou
mots: mais mots ou concepts ne sont pas seulement l'affaire de
l'intellect: ils ont aussi une certaine charge émotive et
émotionnelle.
Non pas tous, mais beaucoup. Si je dis guerre, argent, mère, sexe
ou énergie atomique,
quelque chose
vibre profondément chez vous, même si, en
général, vous n'êtes pas
conscient. En d'autres mots, nous ne sommes pas indifférents
envers une
grande partie de nos concepts, principalement envers ceux en relation
avec nos désirs, nos besoins, nos aspirations, nos plaisirs, nos
souffrances, nos pouvoirs, etc.
Entre ces concepts à forte charge émotive se trouve celui
de langue. Pourquoi? Parce
que la
langue évoque le fait de pouvoir se faire comprendre, et la
possibilité
d'être compris est un des désirs les plus profonds de
chaque homme.
Lorsqu'un souci me tourmente, lorsque je souffre, si je puis en parler
à quelqu'un qui m'écoute et qui réagit avec
compréhension, je me sens
aidé, le souci ou la souffrance sont partagés et je ne me
sens plus
seul, je me sens mieux. Lorsqu'un bébé souffre et crie,
très souvent,
faute de comprendre, la réaction de l'adulte qui se trouve
à côté
manque son but ou ne vient simplement pas, à part son expression
d'impuissance sur le visage. Mais, lorsque le petit a acquis sa langue,
et peut dire "j'ai mal aux oreilles", la réaction de l'adulte
est tout
à fait autre. Alors la vie change, grâce à la vraie
communication qui
vient de s'établir. Cette communication étant le plus
souvent une
relation avec la mère, le concept de langue
recueille les sentiments envers celle-ci dans son environnement
émotif:
ce qui explique que, dans la plupart des langues, on dit langue
"maternelle", alors qu'il s'agit en fait de la langue parentale ou
environnementale.
À vrai dire, l'acquisition d'une langue, qui est quelque chose
de tout
à fait banal, suit la voie normale de tout apprentissage. Il n'y
a rien
de plus mystique à maitriser une langue qu'à apprendre la
conduite
automobile. Cependant, il y a une énorme différence entre
les deux, à
cause de l'âge de l'apprentissage. Lorsque nous apprenons
à conduire,
nous savons que nous apprenons, et nous savons aussi beaucoup sur l'art
d'apprendre, car nous avons déjà fréquenté
l'école pendant longtemps,
et que nous avons appris beaucoup sur l'apprentissage. Par contre,
lorsque nous acquérons la langue de nos parents, nous ne savons
absolument pas que nous sommes en train d'apprendre, et la chose se
présente alors à nous comme si c'était un miracle.
Avant, nous ne
pouvions pas communiquer clairement. Maintenant, nous pouvons nous
exprimer. Voilà un miracle qui change entièrement la vie.
À cause de
ces circonstances qui accompagnent notre acquisition de la langue,
apprenant sans savoir que nous apprenons, que le procès en cours
est
tout à fait banal, la langue devient quelque chose de
sacré, de
féerique, de fabuleux, de mythique: quelque chose qui se situe
hors du
champs de la raison. Quelque chose dont l'origine reste pour nous
inconnue. Pour notre âme profonde, la langue est un don des
dieux, un
don supranaturel. Personne n'a le droit de la changer. Personne n'a le
droit, librement et raisonnablement, de se mêler de quoi que ce
soit
concernant la langue.
Regardez combien les réactions sont émotives, lorsque
quelqu'un propose
de changer l'orthographe. Examinez attentivement les arguments, et vous
constaterez que rien de vraiment rationnel n'y intervient: il s'agit
simplement d'émotions, de ces émotions que fait vibrer le
concept de langue.
Un message autoritaire caché
Ce sentiment central au sujet de la langue comme quelque chose de
mythique, reçue des dieux, donc sacrée et d'intouchable,
est le noyau
de l'aura émotionnel du concept de langue.
À ce noyau s'ajoute le fait que le concept de langue évoque les toutes
premières
relations avec la famille, principalement avec la mère. Mais,
à ces
deux couches s'ajoute une troisième: la relation avec
l'autorité. Dans
la transmission de la langue aux enfants, il y a un message
caché, que
l'on n'explique pratiquement jamais. Et ce message est terriblement
dictatorial.
En fait, il décrète la situation dans la
société de l'enfant par
rapport à l'adulte. Lorsque l'enfant parle incorrectement, on le
corrige, au moins dès qu'il fréquente l'école. Si
l'on ne le corrige
pas, on rit de lui, on s'en moque ou on sourit de façon
significative.
Quelle que soit la réaction, on fait sentir au petit que,
lorsqu'il
emploie telle ou telle expression, différente de celle admise
par la
grammaire ou le vocabulaire, il se trouve en dehors de la norme. Si un
petit francophone dit plus bon,
on lui dit: "on ne dit pas ça, on dit meilleur".
En allemand, on n'a pas le droit de dire mehr gut ou güter, mais probablement, les
enfants emploient ces formes. Alors, on les corrige: "Non, on dit besser".
Que signifie cela pour les profondeurs du psychisme? La transmission
d'un message caché: "Ne te fie pas à ta tendance
spontanée, naturelle,
qui te fait généraliser tel trait de ta langue que tu as
remarqué. Ne
te fie pas à ta logique. Ne te fie pas à ta raison. Ne te
fie pas à tes
réflexes ni à ton instinct. Ne te fie pas à
toi-même. Obéis-nous, même
si notre système est absolument irrationnel et arbitraire".
Pour les enfants, la langue est essentiellement un outil de
communication. Le premier échelon dans leur pensée est
donc: "Si l'on
me comprend, tout est en ordre. La langue est faite pour que nous nous
comprenions". Mais la réaction du milieu envoie continuellement
un
autre message: "La langue n'a pas été faite pour se
comprendre. La
langue est un domaine où on apprend à se conformer aux
demandes
arbitraires et inexplicables des grandes personnes". Il y a des tabous
dans la langue que nul ne peut justifier. Si un enfant qui veut dire
"il est venu" dit er kommte, il a venu, he comed, on lui fait remarquer
qu'il devrait dire er kam, il est venu, he came. Alors, s'il demande
pourquoi, il est impossible de lui donner une réponse
rationnelle. On
ne peut que lui dire "Parce que c'est comme ça". Et cela
sous-entend
que la langue est une entité soumise à des règles
incompréhensibles,
jamais expliquées, ayant ses racines dans les temps anciens. Le
respect
dû aux ancêtres ou aux dieux qui firent don de la langue a
plus
d'importance que la logique, la raison, les tendances spontanées
instinctives; donc, que la nature humaine individuelle.
L'espéranto sabote tout cela. Il est né il n'y a pas
très longtemps, ce
qui est un sacrilège. Une langue n'a pas le droit d'être
jeune. La
langue est quelque chose de saint, un don des ancêtres ou des
dieux:
elle n'a pas le droit de naitre maintenant. Et l'on dit de plus, que
cette langue n'a pas d'exceptions, ce qui constitue un crime! Si l'on
peut suivre sa nature, sa logique, pour s'exprimer, que restera-t-il de
l'autorité des ancêtres? Voilà pourquoi
l'espéranto cause des craintes
épouvantables dans les profondeurs du psychisme. Il risque de
ruiner la
caractère mythique, sacré, féerique, de notre
langue maternelle. Il la
relativise, malgré que nos besoins émotifs veulent
qu'elle soit un
absolu. Alors, il faut arrêter l'expansion de l'espéranto
par tous les
moyens, pour ne pas que l'on se renseigne à son sujet: on
risquerait,
en se rendant compte de ce que la langue n'est pas ce que l'on croit,
de miner la base des relations sociales. Le sujet est trop
émotif pour
que l'on accepte d'étudier les réactions qu'il suscite de
façon
tranquille, objective et scientifique.
Le monstre
De plus, on prend l'espéranto pour un monstre, puisqu'on dit
qu'il a été créé par un seul homme.
Autrement dit, il a un père, mais pas de mère: il est le
résultat monstrueux d'un solitaire pervers. Cette idée
est véhiculée par les définitions que l'on trouve
dans les dictionnaires, les encyclopédies, les livres qui
traitent des langues ou même sur des renseignements provenant
d'espérantistes, selon lesquels l'espéranto fut créé
par Zamenhof en 1887. En réalité,
l'espéranto ne fut pas créé en 1887. En 1887
apparut la semence d'une langue qui, durant beaucoup d'années
avait grandi et s'était transformée dans la tête et
sur les cahiers de Zamenhof. Après ce long processus, que l'on
peut comparer à celui de la plante qui produit sa semence, le
projet fut publié, ce qui veut dire qu'on jeta le grain en
terre. Et cette terre est la mère de l'espéranto: elle
est la communauté de ces premiers idéalistes au grand
cœur, qui reçurent la semence et lui fournirent le milieu dans
lequel elle pu croitre, se transformer et se procurer les moyens de
vivre indépendamment des individus.
L'espéranto, tel qu'il est aujourd'hui, n'est pas l'œuvre de
Zamenhof: il est la langue développée à partir du
projet de Zamenhof par des gens extrêmement différents les
uns des autres pendant un siècle d'usage constant. Il est la
langue développée tout naturellement par l'usage
parlé, par la littérature, par l'alternance de
propositions et de contrepropositions le plus souvent inconscientes. Il
n'est pas un monstre produit par un seul individu: il a, c'est vrai, un
père, et un père certainement admirable, un père
qui réussit à le doter d'une incroyable capacité
d'adaptation à la vie; mais il a aussi une mère, qui
s'occupait de lui avec amour et qui, beaucoup plus que son père
seul n'aurait pu le faire, le faisait vivre.
Les faits sont plus entêtés que les mots
Vous voyez que les aspects psychologiques de l'espéranto et du
problème des langues est beaucoup plus compliqué qu'on
l'aurait imaginé à prime abord. Il y a dans le psychisme
de beaucoup d'individus une terrible résistance à
l'idée même de langue internationale. À cause de
cette résistance, pas grand monde dans l'élite politique,
sociale et intellectuelle accepte d'examiner l'affaire avec
sérieux. Et pourtant, l'espéranto avancera.Des cas
semblables de résistance à ce qui est meilleur, plus
opportun, plus démocratique, abondent dans l'histoire. L'exemple
le plus typique est la résistance, en Europe, aux chiffres
arabes ou indiennes que nous utilisons actuellement: l'élite
intellectuelle (et non seulement l'élite) les considéra
comme un sacrilège contre les chiffres romains en usage alors.
Je suis convaincu que l'espéranto sera
généralement accepté un jour. La pathologie ne
peut être éternellement plus forte que les forces de la
santé qui agissent, elles aussi, dans la société.
Il y a parmi ces forces, par exemple, une compréhension
grandissante du phénomène espéranto de la part des
linguistes et d'autres personnes. Et il y a aussi les exigences de la
réalité. Comme disait Lincoln, on peut cacher la
vérité à quelques gens pendant quelque temps, mais
on ne peut la cacher à tout le monde tout le temps.
L'espéranto, lorsqu'on le compare aux autres moyens de
communication entre les peuples, est objectivement pour chacun des
critères, et avec un énorme avantage, la meilleure
solution. Les faits sont plus têtus que les idées.
Oui, la résistance est là pour durer, et elle sera
certainement acharnée, ne serait-ce que parce que l'on ne
perçoit que ce à quoi l'on se sent prêt; cela
explique que, actuellement, beaucoup de gens n'entendent pas ce que
vous dites sur l'espéranto: leur esprit n'est pas prêt, et
vos phrases passent à côté sans y entrer. Oui, la
résistance sera encore forte. Mais, croyez-moi, elle ne
réussira pas. Les faits vaincront. La vérité
vaincra. L'espéranto vaincra.
Claude Piron, psycholinguiste
après
avoir été traducteur de l'Onu et de l'OMS pour l'anglais,
l'espagnol, le russe et le chinois, puis chargé d'enseignement
à
la faculté des sciences de l'éducation de
l'université
de Genève.
(1)
Le Manifeste de Rauma,
publié pendant le Congrès international de TEJO
(Organisation de la jeunesse espérantiste mondiale) à
Rauma (Finlande) en 1980, est à l'origine de la tendance dite
"raumisme", qui considère l'espéranto plus comme langue
culturelle transnationale que comme langue auxiliaire internationale;
plus comme langue de communication alternative que comme langue de
communication entre les peuples. L' "espérantisme" serait donc
l'appartenance à une diaspora linguistique et culturelle
librement choisie et consciente de son identité, plutôt
que l'espoir de voir un jour la victoire finale de la langue neutre
internationale sur les langues colonialistes ("finvainquisme").
(2) Edmont Privat
(1889-1962).
Suisse. Professeur, auteur et
journaliste. Président de l'Association universelle
d'espéranto et rédacteur de la revue Esperanto. Apprit
la langue à l'âge de 14 ans; à 15 ans il la
parlait couramment, et assista au 1er Congrès universel à
Boulogne-sur-Mer, où on le surnomma "la 8e merveille du monde".