L'espéranto "au passé"

Les procédés les plus courants visant à tourner l'espéranto en dérision où à détourner l'attention du public de l'intérêt qu'il offre consistent le plus souvent à:

* en parler au passé ou comme d'une affaire du passé, jamais au présent;
* le confiner dans le débat théorique en se gardant de porter ses applications concrètes actuelles à la connaissance du public;
* le présenter comme une menace contre la diversité linguistique et culturelle;
* le présenter comme une utopie alors qu'il fonctionne sur les cinq continents à la satisfaction de ses usagers;
* montrer la vie de clubs poussiéreux comme l'activité essentielle de l'espéranto;
* l'amalgamer avec la multitude d'avortons linguistiques qui ont été proposés (plus de 600) alors que, comme le swahili ou l'indonésien, il répond déjà au besoin d'une langue commune pour un grand nombre de personnes, non point à l'échelle d'un ou plusieurs pays, mais sur le plan mondial; ce qui n'est le cas d'aucun autre projet;
* l'opposer à des projets qui végètent parce que sans âme: l'ido, le novial, l'interlingua, faussement baptisé plus récemment "latin moderne", ou l'Europanto: on a vu avec quel empressement quelques médias se sont jetés là-dessus pour faire croire que l'espéranto avait un sérieux concurrent, voire un remplaçant, alors qu'il s'agissait d'un canular linguistique;
* liquider l'affaire en un seul mot, une phrase brève, une boutade: "utopie", "échec", "bide total", "artificiel", "ça n'a pas réussi", "c'est comme le monstre du Loch Ness qui réapparait de temps à autre", "langue non vivante", etc.;
* présenter la traduction automatique comme la solution de l'avenir qui ne justifiera plus l'espéranto, alors qu'elle offre surtout matière à rire si on repose toute sa confiance sur elle;
* affirmer que l'espéranto n'a pas d'histoire, de culture, de littérature, que "jamais un enfant n'a chanté une comptine en espéranto", "Ce n'est pas une langue. C'est un code", etc., etc…
Souvenons-nous toujours de l'avis d'Umberto Eco:
1. L'espéranto n'a pas échoué.
2. Les raisons qui ont entravé son émergence ne sont pas linguistiques mais politiques .
Souvenons-nous aussi que la manipulation de l'information se trouve rarement au niveau du journaliste de base. C'est souvent à un niveau supérieur que se situent caviardage, censure, déformation, mutilation. Donc, gardons-nous absolument d'accuser globalement "les journalistes". Il y en a qui paient de leur vie leur conscience professionnelle et leur honnêteté intellectuelle.
Henri Masson

 
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